Fiche de lecture : Place au jeu ! de Patrice Huerre

Publié le par Claire Lemoine

LEMOINE Claire DUGAL 2010-2011

 

Fiche de lecture : Place au jeu ! de Patrice Huerre

 

Place au jeu ! Jouer pour apprendre à vivre est un ouvrage de Patrice Huerre (propos recueillis par Sophie Senart, journaliste, rédactrice indépendante) en collaboration de Marie Le Fourn (psychologue), Michel Manson (historien) et Suzanne Lallemand (ethnologue). Ce livre paru en septembre 2007, édité par Nathan (Paris) dans la collection l'enfance en questions, de 160 pages, est classé dans les ouvrages de science humaine, psychologie, psychanalyse. L'auteur se propose d’expliquer comment l’enfant se construit à travers le jeu, en souligne l’importance et l’incidence qu’il peut avoir ensuite dans une vie d’adulte.

Patrice Huerre né en 1950, psychiatre des hôpitaux, chef de servicedu secteur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent depuis le 1er septembre 2006. Il est coordinateur de la Maison des adolescents du sud des Hauts de Seine : à ce titre, responsable de la mise en place et du développement des réponses apportées aux adolescents de ce territoire, en lien avec l’éducation nationale, les hôpitaux généraux, les espaces santé jeunes, les praticiens libéraux et les services de psychiatrie. Il est psychiatre expert pour les adolescents près de la Cour d’Appel de Versailles, membre du Groupe d’Appui du Comité National de Pilotage de l’Accompagnement à la Scolarité, membre du Comité de lecture de la Revue “Adolescence”, membre de l’équipe de direction et co-créateur de la Revue Enfances & Psy aux éditions Erès.

 

L'auteur est spécialisé depuis près de 30 ans dans les actions de prévention et de soins pour les adolescents. Il a écrit de nombreux ouvrages consacrés aux problèmes de cet âge destinés tant aux parents qu’aux professionnels, d'on « Place au jeu! Jouer pour apprendre à vivre ». Dans ce livre Patrice Huerre revient sur la nécessité de jouer pour apprendre à vivre et répond aux interrogations des parents, en s'appuyant entre autre sur les théories de D.W. Winnicott.

Il commence par dire que « Jouer, c'est sérieux! », car jouer est essentiel dans la construction de l'humain, dans le développement des capacités de socialisation et indispensable aux capacités de création. A l'inverse, l'humain peut rencontrer certaines difficultés d'épanouissement dans le travail, dans les relations à l'autres. Il affirme que « sans nul doute, comme on a joué, on vivra. Alors cultivons le plaisir de jouer dans nos vies et demeurons en lien avec l'infantile et le juvénile qui sont en nous. » page 9.

Dans le premier chapitre « On jouait, on joue, on jouera », il décrit le jeu comme une activité universelle, le jeu est « indispensable au développement de l'enfant, comme à tous les âges de la vie et a toujours été utile à l'homme, à toutes les époques et dans toutes les sociétés » page 11. Il souligne que l'humain n'est pas le seul à jouer, que les animaux jouent aussi et que le jeu peut avoir les mêmes fonctions. L'enfant expérimente, fait semblant, se confronte aux autres pour vivre. Le jeu est universel parce qu'il n'est pas forcément lié à l'enfance ; que l'on peut jouer tout au long de son existence avec les objets culturels.

Le deuxième chapitre « Aujourd'hui on est plus là pour jouer », il confronte la société avec le jeu. Les exigences de réussite et la pression sociale dévalorisent le jeu donc laissent peu de place au jeu dans l'éducation des enfants. L'incertitude du futur amène les parents à penser que le jeu est futile. Il démontre cette idée en indiquant que le jeu pour les enfants est un travail ; de construction, de développement, d'apprentissage pour vivre en société et qu'il est sérieux dans son plaisir de découverte. De plus l'enfant ne perd pas son temps quand il est inactif car l'adulte ne conçoit pas les notions de temps libre, de rêverie de la même façon qu'un enfant et qu'il joue avec ses pensées et son imaginaire.

Il poursuit en posant la question de « Qu'est-ce que jouer? ». Tout d'abord, il reprend deux mots anglais pour qualifier le jouet sans ou avec règles ; « les plays font appel à la créativité, à l'imagination....les games ...au service de l'apprentissage et de la socialisation »page 35. On peut jouer seul ou en groupe. Il n'y pas de lieu privilégié pour l'enfant pour jouer; l'enfant va d'abord jouer dans un espace sécurisant puis en grandissant, l'extérieur devient un terrain de jeu plus propice. On peut jouer avec le langage, des représentations, des idées, des situations « farfelues » ; les mots sont des jouets on les utilise pour faire de l'humour. On peut prendre plaisir à faire des farces, on joue à transcrire les règles. Toutefois, il faut apprendre à l'enfant jusqu'où il peut jouer. On peut considérer une situation de liberté comme un jeu.

Dans le chapitre quatre « les enjeux du jeu », il reprend des citations de Winnicott en parlant du jeu comme phénomène « transitionnel »entre l'enfant et les autres. Le jeu permet d'établir des liens sécurisants, il est espace « transitoire »pour préparer à la différence entre le familier et l'étranger. « Le jeu peut aider à déterminer sa personnalité pour ménager son propre intérêt sans nuire à celui des autres »page 55. Jouer est un acte créatif qui amène à une projection où l'imaginaire se déploie. L'enfant décide d'éprouver, de communiquer sa créativité avec les autres. La répétition d'actes imaginaires aide à se préparer, à évoquer des sentiments vécus dans le réalité. L'enfant trouve des réponses à ses inconnues et les «éclaircit au fur et à mesure de sa croissance, comme la sexualité. Le jeu exorcise les peurs, peut transformer des émotions fortes en choses supportables et révéler des traumatismes.

Le chapitre cinq « Qu'est ce qu'un jouet »Patrice Huerre soutien que les jouets (objets ludiques) servent à jouer des rôles sociaux futurs en vue d'échanger. La différence entre les bons jouets et les mauvais jouets est simple, les bons se prêtent à de multiples usages et transformations qui développent l'imaginaire. Le jeu vidéo fait peur à l'adulte par manque de connaissance. Il est un outil de socialisation pour l'enfant et lorsque la notion entre la réalité et la fiction est discernée il n'y a aucun danger. Il est indispensable de réguler son accès et non le jeu en lui même. Les jouets sont sexués qu'on le veuille ou non car l'enfant à la période œdipienne se construit par rapport au modèle sexué de ses parents.

Dans le chapitre six « c'est plus du jeu »on doit faire la distinction entre le mensonge et l'imaginaire, entre le bon joueur et le mauvais joueur qui a peur de l'échec tandis que l'autre a une bonne estime de lui pour être tolérant. Les tendances d'un joueur à modifier les règles pour gagner peuvent être préoccupantes. Le jeu a donc ses limites lorsque l'enfant ne fait plus la différence entre la fiction du jeu et la réalité. Les jeux dits « dangereux » sont la mesure de la défaillance des capacités de jeu de l'enfant.

L'auteur amène dans le chapitre sept «Quand le jeu se complique », à réfléchir sur les incidences d'un enfant trop joueur sur sa capacité de jouer, moduler et ajuster la fiction et le réel devient difficile. Ces comportements engendrent des problèmes dans les relations aux autres. Si l'excès de ce comportement augmente il peut y avoir un risque d'addiction. Cela peut révéler un manque d'affectif, de confiance en soi et d'insécurités. Le jeu devient une substitution de la vie réelle et perd toute sa dimension ludique, l'enfant survit. « C'est bien cette perte de liberté qui caractérise l'addiction »page 89. A l'inverse des enfants trop sérieux pour jouer, n'éprouvent pas de plaisir et toute ouverture sur le monde extérieur est une menace, le jeu inquiète, la liberté du jeu devient un danger. Cela entrave le développement de l'enfant. Le jeu solitaire, des troubles psychotiques, des carences affectives et l'hypertension peuvent empêcher un enfant de jouer avec les autres. Le jeu est donc déterminant, on ne doit pas empêcher un enfant de jouer sous peine de rencontrer des difficultés à ce construire par la suite.

Le dernier chapitre « Et si on rejouait », invite les parents à partager du temps pour jouer en famille dans le but de découvrir l’autre. S'interroger sur d’avantage de disponibilité avec l'enfant pour un plaisir partagé autour d’une activité ludique favorise les échanges au sein de la famille. Les parents et grands-parents peuvent transmettre leur envie de jouer, cela dépend de leurs propres expériences du jeu et l’impression qu’ils en ont gardés. Valoriser le jeu à la mesure de l'enfant est important. Le jeu peut être dans l’apprentissage d’un enfant car il prend plaisir à acquérir de nouvelles connaissances.

Pour conclure son livre « Alors jouons maintenant », Patrice Huerre dit qu’il n’y a donc pas d’âge limite pour jouer, ni d’âge où il faut arrêter de rêver. Le risque de cesser de prendre du plaisir en jouant peut couper la capacité de jeu, la curiosité, le goût de la vie. Ces capacités de jeu construisent l’identité de chacun, sans, il n’y a pas de liberté. Le jeu met à l’épreuve son « soi » dans les relations avec les autres. « La participation de nos enfants à cet univers en mutation dépendra étroitement de leur capacité à jouer avec des représentations, des langues, des cultures différentes, des manières autres de concevoir la vie, tout en y prenant plaisir. En jouant ainsi, ils pourront s’adapter aisément sans vivre les transformations à venir comme une remise en question personnelle majeur, non plus qu’en étant des sujets passifs, et ils contribueront pleinement à la création du monde de demain » page 109-110.

 

J'ai choisi ce livre parce que j'ai lu de très bonnes critiques sur internet. Il m'est très utile pour l'avancement de mon mémoire car il synthétise les pensées des chercheurs actuels sur le jeu. Il traite avec simplicité l'importance et les incidences du jeu pour apprendre à vivre. J'ai pu enfin mettre des mots sur mes pensées face au jeu et aux représentations négatives que des adultes peuvent avoir. J'ai alors compris que le jeu est essentiel, lorsque la capacité de jouer fait défaut dans l'enfance, l'apparition de certaines difficultés arrive à l'adolescence. Plus tard, ce défaut limite l'épanouissement dans le travail et les relations aux autres, il empêche le processus intellectuel, social et créatif de l'adulte. Je pense que ce livre peut être très utile aux ludothécaires dans leurs démarches de conseils auprès des parents et pour les parents qui ne fréquentent pas encore les ludothèques.

J'ai moi même des représentations du jeu qui ne sont pas correctes par manque de connaissances et de réflexions, je me suis donc arrêtée longuement sur les enjeux du jeu, les comportements qui peuvent limités le jeu.

En finalité, le jeu est vital, la notion de liberté, jouer sans obligation de résultat, jouer simplement pour le plaisir de jouer et de gagner doivent être aujourd'hui dans les pensées de tous. Ce que j'ai apprécié c'est que l'approche de Patrice Huerre favorise le « donner à jouer », le goût de faire partager le plaisir en jouant.

Publié dans Cours

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